Article paru le vendredi 6 décembre 1996 dans L'opinion Indépendante
Il a vécu seulement quelques mois de l'année 1911 à Lombez sa ville natale. Son père en était originaire, mais il a très vite compris que son commerce d'horlogerie prospérerait plus à Toulouse que dans le Gers. Il ouvre donc boutique face au Tribunal de Grande Instance et installe sa famille dans le quartier voisin de Saint-Michel.
C'est là que va grandir Georges Rey qui va à l'école libre de Saint-Etienne. « Que vous dire de mon enfance ? J'ai vécu auprès de mes parents la vie simple d'une époque que l'on peut en effet difficilement imaginer aujourd'hui »
De constitution peu robuste, il ne se joint pas aux jeux des gamins de son âge. Dès l'âge de 6 ans, son père lui fait donner des leçons de piano. « Il avait fabriqué un piano muet pour que je ne gêne pas les voisins en faisant mes gammes. » Frustrant mais l'époque n'est pas à la contestation enfantine.
Plus tard, sur les bancs du grand séminaire il se liera d'amitié et jouera de l'orgue avec un jeune homme qui lui ne sera jamais prêtre mais qui aura un fils dont la vie sera vouée à cet instrument : Xavier Darasse.
Très jeune, Georges Rey sait qu'il veut être prêtre. « Lorsque je rentre au petit séminaire à 12 ans ma décision est prise. » A 19 ans, il entre au grand séminaire. 5 ans d'études et l'ordination en juin 1935 par Monseigneur Saliège. « Un homme extraordinaire. Très sévère mais d'une grande douceur. Il avait une force de caractère. Il en a donné la preuve durant la guerre en s'opposant courageusement aux Allemands. Infirme, souffrant beaucoup, il n'a jamais cessé ses agités. »
C'est Monseigneur Saliège qui va être involontairement à l'origine des Petits Chanteurs à la Croix Potencée.
« Au grand séminaire, je dirigeais la chorale des séminaristes qui chantaient parfois la messe à la cathédrale.
De fait, depuis la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat en 1901, il n'y avait plus de maîtrise dans les églises de
Toulouse. Monseigneur Saliège m'a donc confié le soin de rétablir une tradition qui remonte au XIIIe siècle.
Il m'a confié une classe d'une vingtaine d'enfants qui devaient chanter la messe, les vêpres et les complies à la cathédrale. »
Pendant la guerre, l'abbé est mobilisé à Auch mais revient vite à Toulouse où il continue de s'occuper des enfants. C'est à cette époque qu'il rencontre celui qui n'est autre que l'abbé Maillet, fondateur des fameux Petits Chanteurs à la Croix de Bois. « Nous avons immédiatement sympathisé. Il avait fui Paris avec une vingtaine d'enfants et il donnait des concerts un peu partout pour vivre. Lorsqu'ils sont venus à Toulouse, la cathédrale était comble. Il ne cachait pas ses opinions et son prêche en une période aussi difficile a été exemplaire. »
Mgr Maillet décide de « se poser » à Toulouse et l'Abbé Rey lui trouve, à lui et aux enfants, un gîte à Balma. Pendant trois mois, les enfants vont chanter ensemble et les deux abbés décident de fusionner les deux choeurs mais aussi de mettre en forme un projet de fédération des différents groupes français. Aujourd'hui, 110 groupes sont fédérés et appartiennent à la fédération internationale des Pueri cantores initiée par l'abbé Maillet qui y gagne ses galons de « Monseigneur ».
A Toulouse, l'abbé Rey poursuit son oeuvre. Les enfants chantent désormais dans toutes les églises, leur répertoire
s'est élargi aux chants profanes et ils se produisent en concert un peu partout en France et
aux quatre coins du monde. Depuis ces dernières années, ils se sont initiés au chant Iyrique et participent à
de nombreux opéras au Théâtre du Capitole. C'est ainsi qu'on les a écoutés et vus dans la Tosca, dans La Bohème,
plus récemment dans Louise et ils seront encore à l'affiche du Triptyque de Puccini et de Werther aux côtés de
Roberto Alagna. Ce dernier, conquis par la qualité de leurs voix et de leur travail, les a choisis récemment pour
enregistrer à la Daurade un CD de chants de Noël avec l'Orchestre national du Capitole dirigé par Michel Plasson.
L'abbé Rey a cessé de diriger « la Mané », comme les enfants appellent familièrement la manécanterie,
en 1976 pour des raisons de santé. Mais il n'a jamais cessé de garder un oeil sur ses activités et sur les enfants.
« J'ai vu se succéder une bonne douzaine de générations. Après la guerre, le groupe comptait une centaine
d'enfants. Aujourd'hui ils ne sont plus que 40. Il est de plus en plus difficile de recruter. Les jeunes sont sollicités
par tant d'autres activités et ils ont un peu peur des contraintes. Car chanter c'est agréable mais cela demande du travail
et du temps. Les répétitions et les tournées empiètent sur les moments de loisirs. Souvent les parents ont un peu peur
de les voir négliger leurs études. »
Heureux, l'abbé l'est pleinement. « Toutes ces années sont faites de merveilleux souvenirs.
Vivre avec les enfants est une vraie cure de jouvence. »
Si son plus beau souvenir reste la réception par le pape Pie XII à Castelgondolfo en 1948, la célébration
les 23 et 24 novembre dernier du 60e anniversaire de la manécanterie
occupe désormais une place de choix. « Ils m'ont tous fait une surprise extraordinaire.
Quel bonheur de revoir tous les anciens. On ne se rend pas compte sur le moment du bien qu'on leur fait.
C'est plus tard qu'on le réalise, quand on les retrouve à l'âge d'hommes. »
L'Abbé Rey a rejoint la « Mané éternelle » le samedi 22 février 2003 à 8h du matin. Il avait 91 ans.
Les obsèques de l'Abbé ont été vraiment très émouvantes. Ç'a été très triste de perdre ce si grand homme qui, il faut le dire, sera toujours considéré comme un grand-père pour chaque chanteur qui a pu le connaître. Un dernier mot en mémoire de l'Abbé qui aimait à dire : « Mané toujours !... » et tous en choeur on répétait : « Prêt ! » Guillaume Dignat
J'ai appris le décès de l'abbé Georges Rey. Ayant été prévenu trop tard, je n'ai
pu, à mon grand regret, venir me joindre à vous lors des funérailles en la
cathédrale Saint-Etienne. Cela dit, je n'ai pas manqué d'être présent avec vous
et l'Abbé par la prière. Je garde un très bon souvenir de l'Abbé et de ces
bonnes années passées à la Mané.
Toulouse et le monde du chant ont perdu un grand Monsieur. Dans le sillage
de Mgr Maillet, il a su donner ce qu'il existe de meilleur à la jeunesse : la
découverte du sacré par le chant !
Comme tous les petits chanteurs à la croix potencée, je suis triste. Je ne
peux m'empécher de penser toutefois à la joie des choeurs célestes
d'accueillir un tel homme au Ciel. Quel concert merveilleux cela a-t-il dû
être... Matthieu Danen
Je lui demande de me conserver un strapontin de premier ténor là-haut ; quand il m'a accueilli la première fois, il ne m'a pas trouvé trop vieux et pourtant j'étais déjà chenu pour un petit chanteur. Serge Malaganne